Soutenance

Publié le par Ophélie

"Célébrations" post-soutenance"Célébrations" post-soutenance

"Célébrations" post-soutenance

Me revoilà comme d’habitude après des mois d’absence pour vous parler de la défense orale de ma thèse, ou soutenance, ou Viva, bref ce truc de l’enfer. Je donne déjà le ton, la mienne ne s’est pas passée comme je l’espérais, ce qui explique sans doute pourquoi j’ai mis tant de temps à en parler ici (je l’ai passée en mars, il y a donc trois mois exactement aujourd'hui).

Est-ce que ça a été horrible ? Non. Est-ce que j’avais trop d’attentes ? Oui.

Les mois précédents ma soutenance, j’ai parlé avec plein de collègues qui m’ont décrit leur soutenance comme une expérience géniale. Ils avaient pu avoir une conversation fascinante sur un sujet qui les passionne avec un expert. Présenté comme ça, moi aussi j’avais hâte de rencontrer mon jury, dans lequel se trouvait une chercheuse dont j’admire le travail et que je cite beaucoup dans ma thèse. Je l’ai d’ailleurs « choisie », mes superviseurs m’avaient demandé environ un an avant ma soutenance si j’avais des noms en tête de personnes pouvant être intéressées par mon travail pour être dans mon jury, et elle était mon premier choix.

On m’avait cependant prévenue qu’il était impossible de savoir comment ça se passerait, car les questions, la durée, l'ambiance générale, tout est différent d'une personne à l'autre. J’ai trouvé la mienne éprouvante, je l’ai vécue comme ce qu’elle est censée être : une défense. J’ai vraiment eu l’impression de littéralement défendre mon bébé pendant presque deux heures. Mon jury a été en soi très bon et professionnel, ils n’ont pas cherché à me « descendre », ils ont même été plutôt bienveillants, mais je n’ai pas vécu cette expérience comme une « conversation passionnante et agréable ». J’avais plutôt l’impression qu’on me donnait un feedback sur mon travail pendant deux heures, et j’ai beau m’être améliorée, c’est toujours difficile d’entendre autant de critiques sur un travail qui a pris quatre ans.

Je suis arrivée à ma soutenance heureuse et confiante, je l’ai quittée démoralisée et en larmes.

Comment ça s’est passé concrètement ?

Tout d’abord, ma soutenance était en ligne, c’est de plus en plus courant depuis le Covid, mais apparemment on peut demander à l’avoir en face à face. Mon jury était constitué d’une « chair » (une linguiste de mon université), un examinateur interne et un externe. On commence par se présenter, puis on me demande de quitter la réunion pour que les examinateurs puissent discuter de mon travail entre eux, et faire de la paperasse je crois. Ensuite, le viva voce commence. Et c’est là que chacun a une expérience différente. J’avais cherché en ligne les questions courantes pour un Viva, et j’étais préparée. Première question « qu’est-ce qui vous a motivée à parler de ce sujet ? » Yes ! Je savais que ce serait la première question, I’m ready, je sais exactement quoi dire !

Mais… ça s’arrête là.

Je n’ai pas eu « que changeriez vous si vous le pouviez ? » « quel est le point fort de votre recherche » ou « quelle a été votre découverte préférée ? ».

Rien de tout ça.

J’ai eu des questions spécifiques sur mon travail, page par page, on m’a demandé de justifier des termes que j’avais choisis, pourquoi je n’avais pas parlé de ci, de ça, pourquoi je n’avais pas cité untel… Après, je suis tout de même reconnaissante qu’ils aient pris la peine de lire mon travail autant en détail, mais ça a eu l’effet de décupler au centuple mon syndrôme de l’imposteur. Comment peuvent-ils encore trouver autant de choses à redire sur un travail qui été corrigé des dizaines de fois ? Suis-je si mauvaise ? Ai-je ma place ici ? Je ne mérite pas d’être docteur.

Vers la fin je n’en pouvais plus, je ne cessais de me répéter dans ma tête « make it stop, please, make it stop ».

Quand enfin ils n’ont plus eu de questions, la procédure veut que je sois retirée de la réunion pour qu’ils puissent décider du verdict. De ce que je sais, en France et dans beaucoup de pays il n’y a que deux verdicts possibles, tu réussis et on te dit « félicitations docteur » ou tu échoues. Au Royaume-Uni, il y a plusieurs scénarios différents :

  • Tu passes sans correction, on te dit « congratulations Dr … ». Le scénario de rêve, mais relativement rare d’après ce que j’ai compris.
  • Tu passes avec « minor corrections », c’est-à-dire qu’on te demande de corriger des petites choses, des fautes d’orthographes, d’ajouter quelques références etc. On te donne généralement un à trois mois pour renvoyer la version corrigée.
  • Tu passes avec « major corrections » où dans ce cas les corrections demandées sont plus nombreuses et peuvent demander par exemple de ré-écrire certaines parties de ta thèse, revoir l’argumentation par moments etc. En général tu as donc 6 mois pour la renvoyer.
  • Il me semble qu’après il y a qqch qui s’appelle « resubmission » où il faut vraiment tout reprendre, on peut aussi te donner un diplôme moins élevé que le « PhD » à la place.
  • Tu échoues.

Avant la soutenance, je pensais avoir « minor » vu que j’écris dans ma deuxième langue, il y a forcément des fautes et des petites choses à améliorer. Après la soutenance, je n’étais même plus sûre de passer.

On m’a annoncé «nous avons longuement hésité, c’était vraiment entre les deux… » entre les deux quoi ? Please pas de suspense, balance. « nous avons décidé de te donner 6 mois pour soumettre tes corrections ».

6 mois ?? C’est donc major ??

Mon monde s’écroulait. Ma sentence était tombée, j’espérais pouvoir sortir de prison après 4 ans, mais voilà qu’on me donnait 6 mois de plus. Après ça je n’entendais plus rien, mes superviseurs qui étaient présents pour le verdict m’ont dit qu’ils avaient complimenté mon travail et surtout ma défense, mais moi j’ai cessé d’entendre quoi que ce soit après « 6 mois », je voulais juste en finir, quitter cette réunion. J’ai remercié mon jury en seulement quelques mots marmonnés, je ne voulais pas avoir l’air impolie, mais une phrase de plus et j’éclatais en sanglots. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait à l’instant même où j’ai cliqué sur le bouton « leave meeting »! Une minute plus tard, mon directeur de recherche (bless him) me rappelait pour en discuter avec moi, et je n’arrivais pas à m’arrêter de sangloter, ridicule! Il a été adorable, il m’a dit qu’il était fier de moi et que je devais donc être fière de moi aussi, que c’était un bon résultat, qu’ils avaient dit des choses sympas sur mon travail (ce que je n’ai pas entendu).

Ce à quoi je ressemblais pour de vrai juste après ma soutenance (pas de filtres ou de mensonges par ici, rien que la vérité héhé!) ce serait un super look pour le prochain Halloween cela dit.Ce à quoi je ressemblais pour de vrai juste après ma soutenance (pas de filtres ou de mensonges par ici, rien que la vérité héhé!) ce serait un super look pour le prochain Halloween cela dit.

Ce à quoi je ressemblais pour de vrai juste après ma soutenance (pas de filtres ou de mensonges par ici, rien que la vérité héhé!) ce serait un super look pour le prochain Halloween cela dit.

Je ne pensais même pas en parler sur le blog au moment de l’annonce, parce que j’étais mortifiée, j’avais tellement honte, j’étais tellement frustrée et déçue. Mais je m’en suis remise et je pense qu’il est important que je parle de mon expérience, parce que nous sommes nombreux à passer par là et à ne pas avoir la « soutenance parfaite, plus beau jour de ma vie j’étais euphorique, j’ai sorti le champagne ». Déjà je n’ai pas pu ouvrir le champagne parce que j’enseignais juste après jusqu’à 20h, donc je suis allée m’acheter un bubble tea. Le soir j’ai ouvert le champagne, parce que bon, il le faut, mais le cœur n'y était vraiment pas. Pas une seule émotion positive n’a été ressentie après cette expérience.

 

Post-Soutenance Matcha Rose Bubble Tea

Post-Soutenance Matcha Rose Bubble Tea

Après une bonne semaine à pleurer et à me plaindre (je commençais à saouler mon entourage qui bien sûr ne peut pas vraiment comprendre, pour eux je suis bientôt docteur, c’est ce qui compte), je me suis enfin mise au travail. J’ai bossé jour et nuit sur mes corrections pour pouvoir les rendre au plus vite, car j’espère encore avoir ma remise de diplôme cet été, mes parents seront là, et surtout je veux en finir pour de bon. Au bout d’un mois, j’avais fini, j’ai rendu ma version finale. J’attends encore les résultats, la deadline pour que je puisse avoir ma remise de diplôme en juillet est dans deux jours, priez pour moi.

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